Que faut-il savoir sur la réforme Prévoyance vieillesse 2020 ?

L’augmentation de l’espérance de vie, qui amène les générations actuelles à profiter plus longtemps de leur retraite, crée de nouveaux problèmes pour la prévoyance vieillesse. Son financement à long terme devient un enjeu crucial et le Conseil fédéral travaille depuis 2011 sur un avant-projet de réforme, actuellement en procédure de consultation depuis le 20 novembre 2013. Il s’agit d’un train de mesures utiles à équilibrer durablement les recettes et les dépenses, afin que les générations futures puissent elles aussi bénéficier de leur assurance sociale. Dans cet article, petit retour sur la prévoyance professionnelle et les objectifs poursuivis par la réforme.

Qu’est-ce que la prévoyance professionnelle?
Deuxième pilier de la Prévoyance vieillesse, la prévoyance professionnelle concerne les personnes actives. Elle entre en vigueur dès la conclusion d’un contrat entre l’employeur et un organisme de prévoyance. Alliée avec l’Assurance-vieillesse et survivants (AVS), elle est censée garantir à l’assuré et à son ménage, le même niveau de vie en cas d’invalidité, de vieillesse ou de décès. Son financement est assuré par les cotisations versées par l’assuré et son employeur.

Pourquoi une réforme de la prévoyance vieillesse et dans quel but?
Si elle a été considérée comme «l’un des acquis sociaux les plus importants de la Suisse», la Prévoyance Vieillesse risque d’être fragilisée financièrement, et elle pourrait alors ne plus remplir correctement ses missions. Ainsi, l’augmentation de l’espérance de vie et, d’ici quelques décennies, du nombre de personnes retraitées fera croître le coût des prestations à verser. La baisse du taux de natalité et le retard que mettent les jeunes à intégrer le monde professionnel feront stagner le nombre des personnes actives. La réforme vise à maintenir le niveau des prestations, à garantir le financement des 1er et 2e piliers et à adapter les prestations de l’AVS et de la prévoyance professionnelle aux besoins actuels. La réforme projette un remaniement en profondeur de la prévoyance vieillesse, dans un avant-projet soucieux de défendre l’intérêt des assurés. La consultation en cours prendra fin le 31 mars 2014 et sera ensuite soumise au Parlement d’ici à fin 2014.

LES GRANDS AXES DE LA RÉFORME

La réforme est basée sur une approche globale, qui passe par une meilleure coordination entre les 1er et 2e piliers. La réforme prévoit les mesures suivantes (source site Confédération suisse):

– Âge de référence de la retraite
Une rente complète est exigible à 65 ans pour les femmes comme pour les hommes. Cet âge de référence de la retraite est harmonisé dans les 1er et 2e piliers. Le passage de 64 à 65 ans pour les femmes contribue à une amélioration de leurs prestations LPP. Comme aujourd’hui, une anticipation ou un ajournement reste possible. L’ajournement permet d’améliorer le montant de la rente alors que l’anticipation le diminue.

– Flexibilisation
Les personnes qui disposent de bas à moyens revenus (jusqu’à un revenu plafond de 50 000 ou de 60 000 francs par an), et qui ont payé des cotisations AVS à l’âge de 18 ans, 19 ans et 20 ans pourront prendre une rente anticipée sans réduction, ou avec une diminution atténuée. Cette mesure sera particulièrement favorable aux femmes.

– Rente partielle
Le passage progressif de la vie active à la retraite sera rendu possible. Dès 62 ans, l’employé pourra décider de continuer à travailler à temps partiel et percevoir en même temps la partie souhaitée de ses prestations de vieillesse.

– Taux de conversion minimal LPP
Ce taux baissera progressivement, à raison de 0,2 point par an pendant 4 ans. Il passera donc de 6,8% actuellement à 6,0%. Pour maintenir le niveau des prestations obligatoires LPP, les mesures suivantes sont prévues:

  • Le processus d’épargne à la LPP durera jusqu’à 62 ans au minimum, au lieu de 58 au minimum actuellement. Concrètement, cette mesure limite la possibilité de préfinancer individuellement la retraite anticipée. Les solutions de retraite flexible collective restent possibles.
  • La déduction de coordination sera abaissée et redéfinie en faveur des travailleurs à bas revenus, de ceux qui ont un taux d’occupation partiel, mais aussi de ceux qui ont plusieurs emplois. Cette mesure est particulièrement favorable aux femmes.
  • Un financement supplémentaire est prévu pour garantir le maintien du niveau des prestations de la génération transitoire.

– Transparence des institutions de prévoyance
Elle sera améliorée, via de nombreuses dispositions concernant les assureurs. Seront notamment réexaminées: la quote-part minimale, la publication de comptabilités séparées, la création d’instruments empêchant le subventionnement croisé, la transparence dans les frais d’administration et les frais de gestion de la fortune.

– Taux d’intérêt minimal LPP
Il sera fixé en fin d’année, en connaissance de la performance des placements réalisés, et non plus en automne pour l’année suivante.

– Prestations versées aux survivants
Les rentes pour orphelins vont augmenter et que celles versées aux veuves avec enfants seront diminuées, alors que les rentes des veuves sans enfant seront supprimées.

– Financement additionnel
Il couvre les besoins financiers de l’AVS nécessaires au maintien du niveau des rentes. Un relèvement de deux points maximum du taux de la TVA est proposé. Il doit intervenir par étapes: un premier point de TVA supplémentaire doit être effectif au moment de l’entrée en vigueur de la réforme et un relèvement ultérieur doit être possible au moment où la situation financière de l’AVS l’exige. Un financement par la TVA permet une contribution solidaire de tous les membres de la société à l’AVS, et ne fait pas peser la charge sur les seuls actifs.

– Mécanisme d’intervention dans l’AVS
Il introduit deux seuils d’intervention. Le premier déclenche une action politique (mesures d’assainissement) lorsqu’il est à prévoir que le Fonds de compensation AVS sera inférieur à 70% des dépenses annuelles. Le second seuil introduit des mesures automatiques lorsque certaines conditions sont remplies, notamment lorsque le Fonds AVS est effectivement inférieur à 70.

– Participation de la Confédération aux dépenses de l’AVS
Elle sera redéfinie selon une volonté déjà exprimée par le Conseil fédéral en 2004. Elle ne dépendra plus exclusivement des dépenses de l’AVS. La moitié de sa contribution restera liée à l’évolution des dépenses de l’AVS, alors que l’autre moitié suivra l’évolution des recettes de la TVA.

PERSPECTIVES DE FINANCEMENT DES ASSURANCES SOCIALES

Dans la dynamique créée par l’avant-projet de réforme de la prévoyance vieillesse 2020, le Conseil fédéral a adopté un rapport offrant une vue d’ensemble des perspectives de financement des assurances sociales. Cette étude décrit le système de financement en vigueur pour l’AVS, l’assurance-invalidité, les prestations complémentaires, la prévoyance professionnelle, l’assurance-maladie, l’assurance-accidents, les allocations pour perte de gain, l’assurance-chômage ainsi que les allocations familiales, et prend position sur l’évolution possible à horizon 2035.

UNE RÉFORME CONTROVERSÉE

Une partie du corps économique ne souscrit pas à une réforme jugée trop coûteuse. Selon lui, la réforme simultanée de l’AVS et de la prévoyance professionnelle est trop lourde à mener, coûteuse et pourrait essuyer le refus du Parlement ou du peuple.

Le patronat et Economiesuisse souhaitent une réforme progressive, par étapes, avec notamment un hausse modérée de la TVA, accompagnée simultanément par le relèvement de l’âge de la retraite des femmes et l’abaissement du taux de conversion minimal.

Les organisations économiques font la proposition suivante

  • Dès 2018, l’âge de la retraite est relevé en quatre étapes à 65 ans jusqu’en 2021. Dans le même temps, une hausse de la TVA de 0,6 point soutiendrait financièrement l’AVS.
  • Ramener le taux de conversion minimal dans la prévoyance professionnelle de 6,8 à 6%. Une baisse du taux signifie une rente moins élevée. Il faudrait alors exiger de cotiser plus tôt et davantage.
  • Dans l’esprit du frein à l’endettement valable pour l’AVS, le «mécanisme de stabilisation de l’AVS» – les associations économiques souhaitent augmenter automatiquement l’âge de la retraite de deux ans au maximum, couplée à une nouvelle augmentation de la TVA de 0,4 point.